La vie est faite de décisions. Certaines ont des conséquences importantes, d’autres moins, certaines sont simples, d’autres complexes. En entreprise, les mécanismes de prise de décision ont été largement étudiés et on commence à y voir plus clair sur les bonnes pratiques de prise de décisions. Adaptées à des environnement stables, ces pratiques font souvent l’hypothèse d’un bon niveau d’information sur la situation. Cependant, en situation d’incertitude, l’information manque. Comment décider quand on n’a pas de données ou de point de référence ?
Dans un récent podcast de la BBC, Margaret Heffernan interroge dirigeants politiques et économiques sur l’art de la prise de décision en temps incertains et conclut sur quelques points de repère utiles pour prendre des décisions quand on ne sait pas.
La différence entre incertitude et risque
La prise de décision en situation de risque est relativement établie : identification des possibilités, mesure des impacts potentiels et estimation de la probabilité d’occurence. En fonction de l’impact et de la probabilité, on en déduit des chemins d’action. Par exemple, un propriétaire d’une maison en zone inondable pourra choisir de prévenir le risque (construire une digue), de l’éviter (déménager), de le transférer (prendre une assurance), de le réduire (surélever les meubles) ou de l’accepter.
Cette démarche est inadaptée pour les situations d’incertitude dans lesquelles car on ne sait pas identifier les possibilités, on ne sait pas non plus identifier leur probabilité ni leur impact. L’incertitude est une situation très différente d’une situation de risque et les modèles de gestion des risques sont inopérants en situation d’incertitude. L’incertitude c’est ne pas comprendre ce qui se passe, ni les conséquences ni les moyens d’agir.
Dès lors comment faire ?
5 pratiques pour des prises de décisions en situation d’incertitude
- Avoir une vision de ce que l’on souhaite atteindre plutôt que de comparer des alternatives. Identifier la question à laquelle on souhaite répondre, déterminer des critères de succès et évaluer les possibilités en fonction de leur impact sur la réalisation d’une vision permet de sortir de la difficulté de comparer des options alors qu’on manque de données.
- Constituer un groupe où des voix dissidentes peuvent s’exprimer. Les situations incertaines sont par nature équivoques et ambivalentes. Rassembler des participants aux points de vue différents sur la situation permet de l’aborder plus complètement. Rassembler des opinions différentes permet d’avoir un débat plus riche.
- Agir rapidement. L’attente réduit le nombre d’options possibles. En prenant la décision tôt, on agit plus vite et on se donne plus de chance de sortir de l’incertitude. L’action informe.
- Ne pas attendre plus de données pour agir. Vouloir plus de données n’est pas mauvais, les données renseignent sur la situation et permettent de l’envisager plus complètement. Mais l’attente et la récolte de données ont un coût, celui de la non prise de décision. De plus, les données dont on a besoin sont souvent absentes (on a des données sur ce qu’on a vécu ou imaginé, or l’incertitude est par principe inimaginable).
- Construire des options et augmenter la reversibilité. Le risque de décider rapidement est de prendre une mauvaise décision par manque d’information. Identifier plusieurs options et les conditions de leur activation permet de basculer d’un décision à une autre en fonction des nouvelles informations qui surviennent.
Un changement culturel
Certaines de ces pratiques sont largement diffusées dans les organisations (se doter d’une vision, constituer des équipes dissonantes), mais d’autres, notamment les deux dernières, vont à l’encontre de certaines hypothèses admises collectivement selon lesquelles on peut tout savoir, on a besoin de données pour agir, il faut avoir bien pesé les options avant de décider, il ne faut pas revenir sur une décision prise pour ne pas se délégitimer.
Pour faire mieux face à l’incertitude, il s’agit bien de changer de posture vis-à-vis de la connaissance et de la décision, plus que de changer d’outil de gestion de projet. En particulier, il s’agit de reconnaître que l’action informe plus que la réflexion et qu’il est plus souhaitable de changer d’avis rapidement que de mettre du temps à se faire un avis.
Et surtout ne pas oublier que l’incertitude est l’intérêt de ce que nous vivons et qu’elle constitue également un épanouissement personnel et un levier collectif.
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